Collection Herzka Nil

C’est comme « piètre musicien » que se décrit Heinz Stefan Herzka spécialiste reconnu dans sa profession, il trouve aujourd’hui, à travers des faits de sa jeunesse, l’origine de sa passion pour le hautbois : la musique klezmer qui est la musique de ses grands-parents ; son impossibilité de voyager pendant son exil comme peuvent les faire les musiciens Tsiganes, représentants de cette tradition de hautbois dans de nombreux pays ; le monde l’imaginaire à travers le théâtre de marionnette réalisé avec ses parents et qui rappelle les théâtres en Asie ou en Turquie où la musique de cet instrument rituel est souvent présente, le choix de sa profession où, tout comme le hautboïste, il « s’occupe des émotions, les provoque et les influence ».

« Je pense que la musique des hautbois et ma profession de thérapeute ont une relation étroite, car toutes les deux se situent sur le terrain de l’émotion ».

Depuis 1980, c’est ensemble que Heinz Stefan Herzka et Verena Nil, son épouse, ont fait tous leurs voyages et toutes leurs rencontres.

Thérapeute de mouvement, pratiquant la musique et la danse, Verena introduit la musique dans leur vie commune. C’est à 45 ans qu’il découvre le hautbois populaire par son intermédiaire : en 1980, lors d’un voyage professionnel à Thessalonique, Verena discute à un arrêt d’autobus avec un homme qui se présente comme étant musicien, joueur de hautbois. Il les invite à venir l’écouter le soir dans une taverne où il joue. Ce fut la première rencontre…
L’année suivante, ils voyagent à Edirne en Turquie et y achètent leurs premiers instruments : un zuma et un davul (très grand tambour).

« Je me souviens que nous étions alors à l’époque de la crise de Chypre et que le passage de la frontière entre la Turquie et la Grèce n’était pas chose facile a priori. Pourtant, cette fois-là, à la seule vue de notre davul, le douanier nous a laissés passer sans aucun problème. »

Entre 1980 et 1998, à raison de 2 ou 3 voyages par an, c’est plus de 40 voyages qu’ils réalisent à travers le monde entier pour suivre « la route des hautbois ». Ils sont allés à peu près partout où existe encore une tradition vivante du hautbois : France, Espagne, Italie, Pays Baltique, Turquie, Ouzbékistan, Iran, Irak, Chine, Vietnam, Japon, Afrique du Nord, Afrique Centrale, Zanzibar, Amérique du Sud.

L’improvisation sur les différents hautbois de tradition qu’il portait avec lui, facilitait la communication avec les musiciens dont le couple ne parlait pas la langue maternelle. Jouer leur a permis d’être acceptés dans cette société d’hommes que forment les musiciens de hautbois traditionnels.

« …/.. C’était un shanaï… je n’ai jamais plus rencontré de hautbois qui sonne aussi bien et qui me corresponde aussi intimement ».

La collection

Tous les types de hautbois ont une architecture commune, mais chaque culture en a fait sa propre variante. A travers le hautbois, ce n’est pas l’objet d’art qu’il recherche mais l’élément sonore présent au cœur de nombreux rituels sociaux, les diverses qualités sonores existantes par la diversité des types d’anches.

« Le corps comme intermédiaire entre la société qui écoute et une inspiration spirituelle transformée en son ».

Tous les instruments collectés sont donc en état de marche. Ce sont ainsi deux collections qui sont confiées au CIMP : une collection d’instruments et une collection d’anches ! !

De plus, leur passion les a conduits à étendre leurs acquisitions : clarinette, flûtes et percussions, statuettes, objets, peintures représentant des joueurs indiens d’instruments à anche, porcelaines européennes et documents iconographiques sur l’antiquité du hautbois, tissus et bijoux de tradition des peuples divers. L’inventaire n’est pas encore terminé mais près de 700 pièces ont déjà été enregistrées.

Au fil des années, c’est également une bibliothèque spécialisée sur les instruments à anche que Heinz Stefan Hezka a réussi à constituer : plus de 300 documents sonores, 756 ouvrages ainsi que des carnets de voyage et près de 1 000 diapos. Sa collection et son travail reflètent son intérêt pour l’échange entre l’Orient et l’Occident. Véritable héritage culturel international, HSH pense que son devoir, et le devoir de toute sa génération, est de transmettre aux générations futures cette diversité culturelle et multiplicité des traditions. Il voit sa génération comme un pont par lequel les traditions du XIXe siècle pourront arriver au XXIe siècle et au-delà, un pont qui pourra contribuer à enrichir le futur et à éviter que le monde de demain ne soit qu’un Disneyland uniforme.

Extrait de la revue Mediteria
Luc Charles-Dominique

Parution automne-hiver 2004/05.